Jael et Sisera, v. 1620 (photo Artbible.info)
« Qui pourrait penser que sous un drap étudié de candeurs et d’ombres glacées dignes d’un Vermeer grandeur nature, pouvait se dérouler une boucherie aussi brutale et atroce [...] ? Mais avons-nous envie de dire -mais cette femme est terrible ! Une femme a peint ça ?-, qu’il n’ y a ici rien de sadique, qu’au contraire, ce qui surprend, c’est l’impassibilité féroce de qui a peint tout cela et a même réussi à vérifier que le sang giclant avec violence peut orner le jet central d’un vol de gouttes sur les deux bords ! Incroyable, vous dis-je ! Et puis s’il vous plaît laissez à la Signora Schiattesi ...“c’est le nom d’épouse d’Artemisia ...“ le temps de choisir la garde de l’épée qui doit servir à la besogne ! Enfin ne vous semble-t-il pas que l’unique mouvement de Judith est de s’écarter le plus possible pour que le sang ne lui salisse pas son tout nouveau vêtement de soie jaune ? N’oublions pas qu’il s’agit d’un habit de la maison Gentileschi, la plus fine garde-robe de soie du XVIIe européen, après Van Dyck ? »
Roberto Longhi, « Gentileschi père et fille », 1916
Artemisia Gentileschi (1593-1652)
Fille d’un peintre romain, Artemisia donne très jeune les preuves d’un grand talent artistique. Elle travaille dans l’atelier lorsqu’il est vide et aide son père ; malgré ces mesures de protection, elle est violée par le plus proche collaborateur de son père. Un procès traumatisant est mené : déclarations en public et tortures sont infligées à la jeune fille. Mariée à un peintre florentin, l’artiste quitte Rome et se lance dans une carrière de peintre : elle exerce à Venise, Rome, Florence, Londres et Naples, bénéficiant de la protection des grands comme Cosme II ou Charles Ier d’Angleterre.
Sa peinture est particulièrement frappante : influencée par Caravage puis Simon Vouet, Gentileschi met en scène avec un sens aigu de l’art dramatique des sujets mythologiques ou religieux, maîtrisant parfaitement le clair-obscur, la brillance des couleurs comme le jaune ; elle anime ses personnages d’expression parfois d’une grande violence, mais elle sait également rendre la douceur d’un visage de Madone ou la sensibilité d’une Madeleine pénitente. Portraits et autoportraits remportent un grand succès et lui assurent des revenus réguliers.
La Madone allaitant l’Enfant, 1609 (photo çafaitgenre.org)